"Trans-sites", 1994.
Texte
de présentation de l’opération Trans-sites sur friches
industrielles.
Par Jacques Leenhardt, sociologue et critique d’art.
(L'association Trans-sites a été créée Par Dimitri Xenakis, Alain Bizeau et Olivier Peyronnet, à Montreuil. Elle a reçu le soutien de la ville pour
l'investigation
artistique
et l'ouverture aux habitants de
plusieurs friches industrielles )
On
avait oublié que la ville, dans sa structure et ses parcours, et
que l’habitat, comme trace que laisse notre manière de prendre
place dans
un
lieu
et d’y établir notre travail et notre
convivialité, résumaient à leur manière notre
humanité contemporaine. On avait oublié aussi que la
façon
dont
nous installons ou préservons en ville ce qu’on appelle
nature, sur le rebord de nos fenêtres, dans nos jardins ou nos parcs,
constituait
une
des
marques les plus signifiantes de notre manière
de nous situer en tant que citoyens.
Il n’est pas étonnant dès lors que les artistes se
saisissent de ces objets. Ils nous apprennent d’abord à les
voir, à porter sur eux un regard plus
aigu, à les faire
vraiment exister en réveillant notre indifférence oublieuse.
Sans doute n’est-ce pas selon la méthode de l’archéologue,
ni selon celle de l’ethnologue qu’ils procèdent. Les
savoirs scientifiques ont leur
logique
que l’artiste ne rencontre
que tangentiellement, s’il s’y sent appelé, pour qu’ils
nourrissent son propos.
Les artistes de Montreuil qui se sont lancés dans l’opération
Trans-sites vont au contraire, tout à l’opposé des
procédures objectives des
scientifiques, faire jouer leurs subjectivités
dans la caisse de résonance de ces coquilles vides de leurs habitants
et utilisateurs, mais pleines
de souvenirs, de restes qui sont autant
d’incitations à penser et à rêver que de contraintes
pour oeuvrer.
Car ils arrivent dans ces lieux à un
moment précis
de leurs parcours comme artistes, et leurs parcours dans la ville croisent
leur cheminement
artistique ici.
Demain ce sera là.
Mais pour nous
qui les accompagnons ce sera, ici ou là, une occasion de ressaisir
ce qui nous file toujours entre les doigts, le fil de nos
trajectoires
et le sable de notre temps vécu.
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